Le visionnaire, l’avant-gardiste et le précurseur
La question m’est souvent posée dans mes séminaires: un créateur doit-il être un précurseur, un avant-gardiste, voire un visionnaire ? Est-ce que l’anticipation fait partie de l’acte de création ?
Picasso, tout au long de sa vie presque centenaire – il mourut à plus de 90 ans – veilla à être en phase avec son époque. Il chercha à la comprendre au travers de ses propres expériences et émotions. Il disait de lui-même « tout au long de ma vie j’aurai été le sismographe de mon siècle ».
Etre le sismographe de son époque, être à l’écoute des mouvements profonds qui agitent la société, être à l’affût de la nouveauté émergente sont des attitudes propres aux créateurs.
Le visionnaire a une visée à long terme : il écoute les mouvements longs, il les projette dans un avenir plus ou moins lointain.
L’avant-gardiste fait émerger les mouvements naissants, accélère le changement ; il montre les chemins du possible.
Le précurseur se pose comme étant le premier à exprimer une idée, une tendance, un style nouveau.
Dans la biographie de Picasso – datant de 1938, c’est-à-dire un an après Guernica -, Gertrude Stein écrivait , que « Picasso ne devance pas son époque, il la vit »°. Picasso, visionnaire, avant-gardiste ou précurseur ?
° Source : STEIN, Gertrude, Picasso, Paris, Christian Bourgeois Editeur, 2006, ISBN 2-267-01835-7, page 40.